La
campagne électorale en France indique une fois de plus qu’une
partie très importante de la population veut des solutions radicales
et de gauche pour sortir de la crise. Le nombre massif de
participants aux meetings de Jean Luc Mélenchon et de la France
Insoumise en est la preuve, de même que les résultats des sondages
sur les intentions de vote. On ne peut que s’en réjouir. Cette
poussée en faveur des idées radicales à gauche de désobéissance
aux traités européens est un bon signe. Les candidatures de
Philippe Poutou et de Nathalie Arthaud, tous deux d’extrême
gauche, rencontrent également une sympathie certaine. La sortie de
Philippe Poutou contre François Fillon et Marine Le Pen, lors du
débat télévisé du 4 avril 2017 a suscité beaucoup d’intérêt
y compris au-delà des frontières de la France.
par
Eric Toussaint , Jeanne Chevalier , Costas Lapavitsas , Stathis
Kouvelakis , Christine Poupin , Zoe Konstantopoulou , Marina Albiol ,
Miguel Urbán Crespo , Alexis Cukier
Voici un texte co-signé par plus
de 70 personnes actives dans de nombreux pays d’Europe (voir liste
complète en bas de l’article). Ce texte collectif établit une
analyse claire des rapports de force dans l’Union européenne et
avance une série de propositions radicales mais nécessaires, pour
quiconque prétend lutter contre l’austérité, en faveur d’une
Europe des peuples et pour la transition écologique.
Ce qui fait l’importance de ce
texte, outre son contenu, est qu’il est co-signé par des
personnalités et des militant-e-s de plus de 15 pays européens,
provenant de différents horizons : de Podemos et Izquierda Unida au
Bloc de Gauche portugais, du Parti de Gauche au NPA en passant par
Ensemble ! et des membres de la France Insoumise en France, de
l’Unité populaire à Antarsya en passant par Zoe Konstantopoulou
en Grèce, de la gauche radicale danoise à celle de Chypre en
passant par celle de pays comme la Slovénie, la Bosnie-Herzégovine
ou la Hongrie. Il est signé par des député-e-s européen-ne-s de
différents partis et de différents pays, par le responsable des
finances de la Ville de Madrid, par l’ex-présidente du parlement
grec, par une série de membres de la commission pour la vérité sur
la dette grecque…
Les 10 propositions avancées dans
ce texte résultent de l’analyse de la situation en Europe depuis
2010, de l’affrontement entre Syriza et la Troïka – car ce fut
bien un affrontement – au premier semestre 2015 et de l’application
des politiques d’austérité par Syriza depuis lors, mais aussi des
expériences espagnoles, irlandaises ou chypriotes. Les événements
récents ont clairement démontré la nécessité pour un
gouvernement de gauche d’avoir le courage de désobéir aux
injonctions des autorités et des traités européens. Cela doit
s’accompagner d’une mobilisation populaire encouragée par le
gouvernement et d’une série de mesures fortes : organiser un audit
de la dette avec participation citoyenne, mettre en place un contrôle
des mouvements de capitaux, socialiser le secteur financier et le
secteur de l’énergie, réformer radicalement la fiscalité… Et
bien sûr, avoir l’inévitable débat sur la zone euro, dont la
sortie est une option qui doit être défendue au moins dans certains
pays.
L’analyse objective des
politiques européennes des dernières années nous amène
invariablement à cette conclusion : seules des mesures souveraines
et unilatérales fortes d’autodéfense permettront aux autorités
nationales et aux peuples qui les ont mandatées pour rompre avec
l’austérité de mettre en œuvre cette rupture et de donner une
première réponse au problème de la dette illégitime.
À partir de mai 2010, la dette
est devenue un thème central en Grèce et dans le reste de la zone
euro. Le premier programme de 110 milliards d’euros mis au point
par la Troïka, qui s’est constituée pour son élaboration et son
exécution, a brutalement provoqué l’augmentation de la dette
publique grecque. Le même processus s’est produit en Irlande
(2010), au Portugal (2011), à Chypre (2013) et en Espagne sous une
forme particulière. Les programmes avaient cinq objectifs
fondamentaux :
- Permettre aux banques privées de recevoir un soutien public afin de ne pas payer la facture de l’éclatement de la bulle du crédit privé qu’elles avaient créée et éviter une nouvelle crise financière privée internationale de grande ampleur.
- Donner aux nouveaux créanciers publics qui se sont substitués aux créanciers privés un pouvoir énorme de coercition sur les gouvernements et les institutions des pays périphériques afin d’imposer une politique faite d’austérité radicale, de dérèglementations (à l’encontre de toute une série de conquêtes sociales), de privatisations et de renforcement des pratiques autoritaires (voir le point 5).
- Préserver le périmètre de la zone euro (cela signifie maintenir dans la zone euro la Grèce et les autres pays de la périphérie) qui constitue un outil puissant aux mains des grandes entreprises privées européennes et des économies qui dominent cette zone.
- Faire de l’approfondissement des politiques néolibérales en Grèce en particulier, mais aussi dans les autres pays de la Périphérie, un exemple et un moyen de pression sur l’ensemble des populations européennes.
- Renforcer à l’échelle européenne (tant sur le plan de l’UE que dans chaque État membre) les formes autoritaires de gouvernement sans recourir directement à de nouvelles expériences de type fasciste, nazi, franquiste, salazariste ou du régime des colonels grecs (1967-1974).
Il faut tirer des leçons de
l’échec de la politique adoptée par le gouvernement d’Alexis
Tsipras en 2015 pour rompre avec l’austérité. De même, il faut
prendre conscience des limites de l’expérience du gouvernement
socialiste minoritaire d’Antonio Costa au Portugal.
Une orientation alternative et
favorable aux intérêts des peuples doit à la fois porter sur
l’austérité, sur la dette publique, sur les banques privées, sur
la zone euro, sur l’opposition aux politiques autoritaires. Le
bilan de la période 2010-2016 dans la zone euro est clair : il est
impossible de sortir de l’austérité sans apporter des réponses
au moins à ces 5 problématiques. Bien sûr, il faut ajouter que
l’alternative doit aussi aborder d’autres problèmes, parmi
lesquels la crise climatique et écologique, la crise humanitaire
liée au renforcement de l’Europe forteresse (qui condamne chaque
année à une mort certaine dans la Méditerranée ou ailleurs des
milliers de candidats à l’immigration ou/et à l’asile), la
crise au Proche Orient. Il s’agit également de lutter contre
l’extrême-droite et la montée du racisme. Après l’élection de
Donald Trump, mais aussi après l’apparition du mouvement radical
qui s’est retrouvé dans la campagne de Bernie Sanders et qui est
appelé à se battre en toute première ligne contre Trump et ses
projets, la gauche radicale, les mouvements syndicaux, sociaux,
féministes et écologiques européens doivent jeter des ponts vers
les forces qui résistent aux États-Unis.
Une grande partie de la gauche
radicale ayant une représentation parlementaire avait et a encore
une perception erronée de l’intégration européenne au travers de
l’UE et de la zone euro. Pour le dire simplement, elle voyait dans
l’UE et la zone euro plus d’avantages que d’inconvénients.
Elle considérait que tant l’UE que la zone euro étaient
compatibles avec le retour à des politiques sociales-démocrates,
avec un peu moins d’injustice, avec un peu de relance keynésienne.
Il est fondamental sur la base de
l’expérience de l’année 2015 de renforcer le camp des forces
qui n’entretiennent pas d’illusions sur l’UE et la zone euro et
qui mettent en avant une authentique perspective écosocialiste de
rupture avec l’UE telle qu’elle est constituée. Il faut partir
du constat que l’UE et la zone euro ne sont pas réformables.
En 2015, chacun a pu faire le
constat qu’il est impossible de convaincre, sur la base de la
légitimité qu’offre le suffrage démocratique et par la simple
discussion, la Commission européenne, le FMI, la BCE et les
gouvernements néolibéraux au pouvoir dans les autres pays européens
de prendre des mesures qui respectent les droits des citoyens grecs
ainsi que ceux des peuples en général. Le référendum du 5 juillet
2015 qu’ils ont combattu avec le chantage et la coercition (à
savoir la fermeture des banques grecques 5 jours avant le référendum)
ne les a pas convaincus de la nécessité de faire des concessions.
Au contraire, bafouant les droits démocratiques fondamentaux, ils
ont radicalisé leurs exigences.
Certes, en principe, toute une
série de mesures devraient et pourraient être prises à l’échelle
européenne pour relancer l’économie, réduire l’injustice
sociale, rendre soutenable le remboursement de la dette et redonner
de l’oxygène à la démocratie. Yanis Varoufakis, en tant que
ministre grec des finances, a fait en février 2015 des propositions
qui allaient dans ce sens. Il s’agissait d’échanger la dette
grecque contre deux nouveaux types d’obligations : 1. des
obligations indexées sur la croissance ; 2. des obligations dites
‘perpétuelles’, au sens où la Grèce rembourserait uniquement
les intérêts mais à perpétuité |6|. Les propositions de
Varoufakis, bien que modérées et parfaitement réalisables,
n’avaient, en réalité, aucune chance d’être acceptées par les
autorités européennes.
C’est le cas de toute une série
de propositions visant à alléger radicalement le poids de la dette
de la Grèce comme celle de nombreux autres pays européens (par la
mutualisation des dettes, par l’émission d’eurobonds, etc.).
Techniquement, elles pourraient être mises en œuvre mais il faut
bien constater que dans le contexte politique et avec les rapports de
force qui prévalent dans l’Union européenne, les pays avec un
gouvernement progressiste ne peuvent pas espérer être entendus,
respectés et encore moins soutenus par la Commission européenne, la
BCE, le Mécanisme européen de stabilité. La BCE a les moyens
d’asphyxier le système bancaire d’un État membre de la zone
euro en coupant l’accès des banques aux liquidités. Comme
mentionné, elle en a fait usage en Grèce en 2015. L’Union
bancaire et le pouvoir arbitraire de la BCE renforcent les moyens de
coercition dont disposent les institutions européennes pour faire
échouer une expérience de gauche.
Les traités sont devenus hyper
contraignants en matière de dette et de déficit. Dans l’absolu,
les autorités européennes, dont le conseil des ministres,
pourraient décider d’y déroger en tenant compte de la situation
de crise (ils l’ont déjà fait en faveur de gouvernements qui
étaient de leur bord |7|) mais il est clair qu’ils n’en ont
nullement l’intention. Au contraire, tant ces institutions que le
FMI et les gouvernements néolibéraux en place dans les autres pays
ont combattu activement le gouvernement grec alors que celui-ci
faisait preuve d’une très grande modération (c’est le moins
qu’on puisse dire). La plupart des médias et de nombreux
dirigeants politiques européens ont pourtant présenté Alexis
Tsipras et Yanis Varoufakis comme des rebelles, voire des radicaux
anti-européens. La Troïka a combattu l’expérience en cours en
Grèce entre janvier et juillet 2015 afin de démontrer à tous les
peuples d’Europe qu’il n’y a pas d’alternatives au modèle
capitaliste néolibéral.
La capitulation du gouvernement
d’Alexis Tsipras 1 ne leur a pas suffi, les dirigeants européens
et le FMI ont exigé et ont obtenu du gouvernement Tsipras II
d’approfondir les politiques néolibérales en s’attaquant encore
un peu plus au système de sécurité sociale, au système des
retraites en particulier, en accélérant les privatisations, en
imposant de multiples changements sur le plan juridique et législatif
qui constituent des reculs structurels fondamentaux en faveur du
grand capital et contre les biens communs |8|. Toutes ces nouvelles
mesures et contre-réformes renforcent l’injustice et la précarité.
Si les créanciers finissent par accorder un nouveau réaménagement
de la dette |9|, ce sera à la condition de poursuivre le même type
de politiques. Dans ce cas, une réduction de dette ne constituera en
rien une victoire ou même une consolation. Ce sera seulement une
mesure visant à garantir la poursuite des remboursements et tenter
d’éviter une reprise vigoureuse des luttes sociales.
Une première conclusion s’impose
: sans prendre des mesures souveraines et unilatérales fortes
d’autodéfense, les autorités nationales et les peuples qui les
ont mandatées pour rompre avec l’austérité ne pourront pas
mettre fin à la violation des droits humains perpétrée à la
demande des créanciers et des grandes entreprises privées.
Certains pourraient rétorquer que
si un gouvernement de gauche venait au pouvoir à Madrid, il pourrait
utiliser le poids de l’économie espagnole (4e économie de la zone
euro à l’aune du PIB) dans la négociation avec les principaux
gouvernements de la zone euro et obtenir des concessions que Tsipras
ne pouvait pas obtenir. Quelles concessions ? La possibilité de
relancer l’économie et l’emploi par des dépenses publiques
massives et donc avec un déficit public considérable ? Berlin, la
BCE et au moins 5 ou 6 autres capitales de la zone euro s’y
opposeront ! La possibilité de prendre des mesures très fortes à
l’égard des banques ? La BCE appuyée par la Commission rejettera
cette option.
Ce qui est également sûr, c’est
que si des forces de gauche radicale accédaient au gouvernement dans
des pays comme le Portugal, Chypre, l’Irlande, la Slovénie, les 3
républiques baltes, ils n’auraient pas les moyens de convaincre la
commission et la direction de la BCE de les laisser mettre fin à
l’austérité, arrêter les privatisations et développer les
services publics, réduire radicalement la dette... Ces gouvernements
devront résister et prendre des mesures unilatérales pour défendre
leur population. Et si plusieurs gouvernements de gauche se mettaient
en place simultanément dans plusieurs pays de la zone euro et
exigeaient ensemble une renégociation ? Bien sûr ce serait une très
bonne chose mais cette possibilité est également à exclure ne
fût-ce que pour des raisons de calendrier électoral.
Est-ce qu’un gouvernement de
gauche au pouvoir à Paris, en cas de victoire de Mélenchon à la
présidentielle de mai 2017 et des forces de gauche radicale aux
législatives qui suivront, pourrait forcer à une réforme de l’euro
? C’est l’hypothèse de l’équipe de campagne de Jean-Luc
Mélenchon. On peut raisonnablement douter de cette possibilité.
Admettons que JL Mélenchon accède à la présidence et constitue un
gouvernement. Il voudra appliquer un ensemble de mesures de justice
sociale et tenter d’obtenir une réforme de l’euro. Qu’est-ce
qui serait possible ? Ce qui est tout à fait possible pour un
gouvernement de gauche en France, c’est de désobéir aux traités
et de faire respecter son choix mais il ne pourra pas obtenir une
réforme profonde de la zone euro. Pour obtenir cela, il faudrait des
victoires électorales simultanées tant dans les principaux pays que
dans plusieurs pays de la périphérie. Ceci dit, il est clair qu’un
gouvernement de la France insoumise et de ses alliés qui prendrait
des mesures unilatérales en faveur de la population de la France et
des peuples du monde (par exemple annuler de manière unilatérale
les dettes de la Grèce et des pays dits en développement à l’égard
de la France) pourrait jouer un rôle positif en Europe.
En faisant ces constats, il ne
s’agit pas de chercher une issue nationaliste à la crise. Tout
autant que par le passé, il est nécessaire d’adopter une
stratégie internationaliste et de prôner une intégration
européenne des peuples opposée à la poursuite de l’intégration
actuelle qui est totalement dominée par les intérêts du grand
capital.
Les maillons faibles de la chaîne
de domination intra-européenne se trouvent dans les pays
périphériques. Si Syriza avait adopté une stratégie correcte, un
tournant positif aurait pu être pris en 2015. Cela n’a pas été
le cas. Les autres maillons faibles de la chaîne où la gauche
radicale peut accéder au gouvernement dans les années à venir sont
notamment l’Espagne et le Portugal. Peut-être est-ce également
possible dans les années qui viennent en Irlande, en Slovénie, à
Chypre etc. Cela dépendra de plusieurs facteurs : la capacité de la
gauche radicale de tirer les leçons de l’année 2015 et d’avancer
des propositions anticapitalistes et démocratiques qui entraînent
l’adhésion… Cela dépendra sans le moindre doute du degré de
mobilisation populaire… S’il n’y a pas une pression de la rue,
des quartiers, des lieux de travail pour des changements réels et
pour refuser les compromis boiteux, l’avenir sera glauque.
Dix
propositions afin de ne pas reproduire la capitulation que nous avons
connue en Grèce
Pour éviter de reproduire la
capitulation que nous avons connue en Grèce en 2015, voici dix
propositions pour la mobilisation sociale et l’action d’un
gouvernement réellement au service du peuple à mettre en œuvre
immédiatement et simultanément.
- La première proposition est la nécessité, pour un gouvernement de gauche, de désobéir, de manière très claire et annoncée au préalable, à la Commission européenne. Le parti qui prétend, ou la coalition de partis qui prétendent gouverner et, bien sûr, nous pensons à l’Espagne, devront refuser d’obéir, dès le début, aux exigences d’austérité, et s’engager à refuser l’équilibre budgétaire. Il faudra dire : « Nous ne respecterons pas l’obligation décrétée par les traités européens de respecter l’équilibre budgétaire parce que nous voulons augmenter les dépenses publiques pour lutter contre les mesures antisociales et d’austérité, et pour entreprendre la transition écologique ». Par conséquent, le premier point est de s’engager d’une manière claire et déterminée à désobéir. Après la capitulation grecque, il est essentiel d’abandonner l’illusion d’obtenir de la Commission européenne et des autres gouvernements européens qu’ils respectent la volonté populaire. Conserver cette illusion nous conduirait au désastre. Nous devons désobéir.
- Deuxième point : S’engager à appeler à la mobilisation populaire. Tant au niveau de chaque pays qu’au niveau européen. Cela aussi a échoué en 2015 en Grèce et en Europe. Il est évident que les mouvements sociaux européens ne furent pas à la hauteur en termes de manifestations, qui certes eurent lieu, mais ne montrèrent pas un niveau suffisant de solidarité avec le peuple grec. Mais il est vrai aussi que l’orientation stratégique de Syriza ne prévoyait pas de faire appel à la mobilisation populaire au niveau européen, ni même de faire appel à la mobilisation populaire en Grèce. Et quand le gouvernement de Tsipras a appelé à la mobilisation par le référendum du 5 Juillet 2015, ce fut pour ensuite ne pas respecter la volonté populaire de 61,5 % des Grecs, qui avaient refusé d’obéir aux exigences des créanciers et avaient rejeté leurs propositions. Rappelons-nous qu’à partir de la fin février 2015 et jusque fin juin 2015, Yanis Varoufakis et Alexis Tsipras ont fait des déclarations qui visaient à convaincre l’opinion qu’un accord était en vue et que les choses s’arrangeaient. Imaginons au contraire qu’après chaque négociation importante, ils aient expliqué les enjeux, au travers de communiqués, par des déclarations orales aux médias, par des prises de parole sur les places publiques, devant le siège des institutions européennes à Bruxelles et ailleurs. Imaginons qu’ils aient fait la lumière sur ce qui se tramait, cela aurait abouti à des concentrations de milliers ou de dizaines de milliers de personnes, les réseaux sociaux auraient relayé à des centaines de milliers ou des millions de destinataires ce discours alternatif.
- Troisième point : S’engager à organiser un audit de la dette avec la participation des citoyens. Les situations dans les 28 pays de l’Union européenne sont différentes, de même bien sûr à l’intérieur de la zone euro. Il y a des pays européens où la suspension des remboursements est une mesure de nécessité absolue et prioritaire, comme dans le cas de la Grèce dans le but de répondre avant tout aux besoins sociaux et de garantir les droits humains fondamentaux. C’est aussi un élément clé d’une stratégie d’autodéfense. En Espagne, au Portugal, à Chypre, en Irlande, cela dépend du rapport de force et de la conjoncture. Dans d’autres pays, il est possible de réaliser d’abord l’audit et ensuite décider de la suspension des remboursements. Ces mesures doivent être mises en œuvre en tenant compte de la situation spécifique de chaque pays.
- Quatrième mesure. Mettre en place un contrôle des mouvements de capitaux. Et tenir compte de ce que cela signifie. C’est à dire aller à l’encontre de l’idée selon laquelle il serait interdit aux citoyens de transférer quelques centaines d’euros à l’étranger. Il est évident que les transactions financières internationales seront autorisées jusqu’à un certain montant. Par contre, il s’agit de mettre en place un contrôle strict sur les mouvements de capitaux au-dessus de ce montant.
- Cinquième mesure : Socialiser le secteur financier et le secteur de l’énergie. Socialiser le secteur financier ne consiste pas seulement à développer un pôle bancaire public. Il s’agit de décréter un monopole public sur le secteur financier, à savoir les banques et les sociétés d’assurance. Il s’agit d’une socialisation du secteur financier sous contrôle citoyen. C’est-à-dire transformer le secteur financier en service public |10|. Dans le cadre de la transition écologique, bien sûr, la socialisation du secteur de l’énergie est également une mesure prioritaire. Il ne peut y avoir de transition écologique sans monopole public sur le secteur de l’énergie, tant au niveau de la production que de la distribution.
- Proposition numéro six : Création d’une monnaie complémentaire, non convertible et l’inévitable débat sur l’euro. Que ce soit dans le cas d’une sortie de l’euro ou d’un maintien dans la zone euro, il est nécessaire de créer une monnaie complémentaire non convertible. Autrement dit, une monnaie qui sert, en circuit court, aux échanges à l’intérieur du pays. Par exemple, pour le paiement de l’augmentation des retraites, des augmentations de salaire aux fonctionnaires, pour le paiement des impôts, pour le paiement des services publics ... Utiliser une monnaie complémentaire permet de se détacher et de sortir partiellement de la dictature de l’euro et de la Banque centrale européenne. Bien sûr, on ne peut pas éviter le débat sur la zone euro. Dans plusieurs pays, la sortie de la zone euro est également une option qui doit être défendue par les partis, les syndicats, d’autres mouvements sociaux. Plusieurs pays de la zone euro ne pourront pas réellement rompre avec l’austérité et lancer une transition écosocialiste sans quitter la zone euro. Dans le cas d’une sortie de la zone euro, il faudrait soit mettre en œuvre une réforme monétaire redistributive |11| soit appliquer un impôt exceptionnel progressif au-dessus de 200 000 €. Cette proposition ne concerne que le patrimoine liquide, elle ne concerne donc pas le patrimoine immobilier (maisons, etc.) évoqué dans la septième mesure.
- La septième mesure : une réforme radicale de la fiscalité. Supprimer la TVA sur les biens et les services de consommation de base, comme la nourriture, l’électricité, le gaz et l’eau (pour ces trois derniers, jusqu’à un certain niveau de consommation par individu) |12|, et d’autres biens de première nécessité. Par contre, une augmentation de la TVA sur les biens et les produits de luxe, etc. Nous avons aussi besoin d’une augmentation des impôts sur les bénéfices des entreprises privées et des revenus au-dessus d’un certain niveau. Autrement dit, un impôt progressif sur les revenus et sur le patrimoine. La maison d’habitation devrait être exonérée d’impôt en dessous d’un certain montant qui varie en fonction de la composition du foyer. La réforme de la fiscalité doit produire des effets immédiats : une baisse très sensible des impôts indirects et directs pour la majorité de la population et une augmentation très sensible pour les 10 % les plus riches et pour les grandes entreprises. Enfin, la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale serait intensifiée.
- Huitième mesure : Déprivatisations. « Racheter » les entreprises privatisées pour un euro symbolique. Ainsi, de ce point de vue, utiliser l’euro pourrait s’avérer très sympathique, en payant un euro symbolique à ceux qui ont profité des privatisations. Et renforcer et étendre les services publics sous contrôle citoyen.
- Neuvième mesure : La mise en œuvre d’un vaste plan d’urgence pour la création d’emplois socialement utiles et pour la justice. Réduire le temps de travail avec maintien des salaires. Abroger les lois antisociales et adopter des lois pour remédier à la situation de la dette hypothécaire abusive, des dispositions qui concernent en priorité des pays comme l’Espagne, l’Irlande, la Grèce... Cela pourrait très bien se résoudre par la loi, en évitant des procès (car il y a de nombreux procès sur la dette hypothécaire où les ménages sont confrontés aux banques). Un Parlement peut décréter par une loi l’annulation des dettes hypothécaires inférieures à 150 000 euros par exemple et mettre ainsi un terme à des procédures judiciaires. Il s’agit aussi de mettre en œuvre un vaste programme de dépenses publiques afin de relancer l’emploi et l’activité socialement utile en favorisant les circuits courts.
- Dixième mesure : Entamer un véritable processus constituant. Il ne s’agit pas de changements constitutionnels dans le cadre des institutions parlementaires actuelles. Il s’agirait de dissoudre le parlement et de convoquer l’élection au suffrage direct d’une Assemblée constituante. Et de rechercher à insérer ce processus dans d’autres processus constituants au niveau européen. Ce sont dix propositions de base à soumettre au débat. Mais une chose est certaine, les mesures à prendre doivent aller à la racine des problèmes et elles doivent être appliquées simultanément car il faut un programme cohérent. En l’absence de la mise en œuvre de mesures radicales annoncées depuis le début, il n’y aura pas de rupture avec les politiques d’austérité. Il est impossible de rompre avec les politiques d’austérité sans prendre des mesures radicales contre le grand capital. Ceux qui pensent que l’on peut éviter cela sont des « enfumeurs » qui ne pourront pas obtenir de réelles avancées concrètes. Au niveau européen, la nature de l’architecture européenne et l’ampleur de la crise du capitalisme font qu’il n’y a pas de réel espace pour des politiques productivistes néo-keynésiennes. L’écosocialisme ne doit pas être à la marge mais au cœur du débat, d’où doivent venir les propositions immédiates et concrètes. Il faut mener à bien la lutte contre l’austérité et se lancer sur le chemin de l’anticapitalisme. La transition écosocialiste est une nécessité absolue et immédiate.
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